Saturday, January 27, 2007

Chronique d'un coup d'Etat-Histoire vecue a la rue Monnot!

Je viens de recevoir cet email ecrit par une personne annonyme de moi, mais je ne poste qu'une partie en rapport avec la description des evenements qui ont eu lieu le Mardi 23 Jan. 2007 a rue Monnot car l'autre partie est une message de haine que je n'approuve pas.
JZ


"Une seule caracteristique marque le noir de cette nuit : le silence total a Beyrouth. Je ne m'attarderai surtout pas aux folies meurtrieres de ce 23 janvier, vous les connaissez bien a present. Je me contente simplement de vous retransmettre les evenements qui se sont deroules dans mon propre quartier a Monnot.

J'avais lu sur Internet lundi soir que le Hezbollah et les oranges preparaient des barrages des l'aube de mardi sur toutes les routes libanaises afin de soumettre l'ensemble des Libanais a leur greve surtout apres avoir constate d'avance l'echec ecrasant de cette derniere puisque la majorite des organismes civils et economiques ont decrete mardi comme etant un jour de travail normal. J'ai prevu alors de me reveiller tot le matin et de suivre le deroulement des choses a la tele. 7H et quelques du matin, je sursaute du lit en entendant ma mere crier: elle vient d'apercevoir un enorme groupe (plus d'une trentaine de personnes) des mecs du Hezbollah se diriger en-dessous de notre immeuble afin de bloquer notre quartier. On sort au balcon et on les voit effectivement en train de deplacer d'enormes bacs a fleurs en beton (qu'ils ont soigneusement pris de notre propre immeuble) qu'ils ont vite mis en plein milieu de la route pour la bloquer dans les 2 sens du croisemenent. Ma mere, rage de colere, n'hesite pas a sortir au balcon en hurlant sur le groupe leur demandant de s'eloigner immediatement des lieux et de ne plus toucher aux proprietes de l'immeuble... Alertes, les voisins sortent a leur tour et regardent bouche bee a une scene de (tres) mauvais gout. Les cris resteront evidemment inutiles devant le groupe bien determine a imposer sa propre loi. On appelle d'urgence le 112 et leur demandons de nous assurer la protection de l'armee, en fait moins de 5 min et cette derniere etait d'office la.

2 min pour s'habiller et nous voila en-bas, moi-meme priant ma mere de ne pas se meler aux frondeurs (je ne vous decrirai pas leurs belles gueules de gentilhommes...) et de calmer sa colere. Quelques voisins nous suivent et plein de voitures commencent a affluer, ces dernieres essayant de se froler un passage en direction de leurs boulots. Une fois arrivees au niveau de Monnot, les voitures sont systematiquement bloquees par le Hezbollah qui leur interdit tout passage sous les propres yeux d'une unite de l'armee (moins d'une dizaine de soldats) qui ne bouge pas le petit doigt. La circulation commence a aller dans tous les sens, les automobilistes fous de rage sont completement perdus devant le blocage complet des routes. Je me mis a marcher avec ma mere en compagnie d'une dame (une voisine de l'immeuble) en direction du 'Crystal', et a nouveau meme scene, les rues sont bloquees de partout et les automobilistes cherchent desesperement un passage. Pres du 'Element' ils ont carrement place des montagnes de sable, de vraies tranchees. Inimaginable, je revois devant moi les memes cliches de la guerre, ces memes endroits qui etaient les anciennes lignes de demarcation, meme scenario !!!

Un peu plus loin, remarquant qu'il n'y avait pas de miliciens aux alentours,j'entrepris moi-meme d'ouvrir la rue de l'universite st-Joseph coupee par les tonneaux a ordures Sukleen et des branches d'arbres ce qui a permis au moins aux voitures de prendre la direction de la rue du Liban et de rejoindre d'autres routes dans Achrafie. On continue la tournee... les voitures sont en grand nombre a la rue du Liban, les automobilistes tentant l'impossible pour acceder a leurs boulots.

Nous voila a nouveau arrives au croisement Abdel-Wahab / Monnot, et on assiste soudainement a la montee d'un cran de l'ambiance lorsqu'un monsieur qui accompagnait ses enfants a l'ecole descend de sa voiture et, fou de rage, chahute sur les miliciens du Hezbollah leur demandant d'ouvrir immediatement la route. Ces derniers se moquant de ses cris, il entreprit de pousser le bac a fleurs par la force. Fou de rage a mon tour, je me suis jete avec lui sur le bloc betonne et apres quelques efforts voila la route enfin reouverte. Vous pouvez bien imaginer la suite, les miliciens du Hezb haussent le ton et nous menacent de bloquer la route par tous les moyens. Loin de se laisser intimider par leur nombre et leurs barbes (un d'entre eux laissait profiler un semblant de Magnum sur sa ceinture), nous leur tenons tete et leur disons clairement de laisser libre ce quartier. L'armee assiste encore sans intervenir a la scene, les miliciens du Hezb se gardant de toute violence physique a la vue de 2 dames, 4 monsieurs quinquagenaires et moi-meme (le seul "jeune") devant eux. Ils ne se privent toutefois pas de toutes sortes de gentillesses orales, nous-memes leur renvoyant a notre tour sur un ton eleve leurs menaces. "Tla3 3a baytak ma elak cheghel hone badna nsakkir el tarik law chou ma 3melto", j'y ai eu droit a au moins 4 fois par mes eloquents interlocuteurs qui m'ont menace et ont voulu rappeler du renfort pour commencer a bruler des pneus. Par autant d'eloquence et de politesse (oui oui...) je leur repondais menace par menace : pas moyen qu'ils viennent faire la loi (plutot le hors-la-loi) dans notre propre quartier et sous nos yeux. Voyant les choses s'envenimer, l'armee est intervenue nous sommant de s'eloigner les uns des autres afin de regler le probleme. Le capitaine de l'unite demande alors aux miliciens de ne plus nous provoquer et de faire remonter leur barrage plus haut, cad au tout debut de la rue Monnot afin d'eviter le clash avec les habitants du quartier.

J'adore la scene qui se presente : le responsable des miliciens (les fameux "indibat") prend vite son talkie-walkie et questionne ses superieurs quant aux ordres d'action face a la situation. J'ecoute "sidere" (il faut dire que plus rien ne nous choque) aux commentaires et aux differentes conversations, le milicien devant moi donnant les reperes a son superieur (unite x, secteur y, etc.) comme en vrai temps de guerre et d'operations de combats. Oui, ma petite rue Monnot est bien fichee sur les plans du Hezb, leur travail est admirablement minutieux, detaille, prepare, programme jusqu'aux moindres choses afin de mener a bien l'operation. Ils veulent s'emparer de la ville quartier par quartier, les objectifs sont minutieusement clairs, les ordres ne laissent le moindre doute. Et c'est aussi quartier par quartier, que la "resistance" des habitants face a la deferlante du coup d'Etat s'organise spontanement, ici violemment, la-bas un peu plus pacifiquement. Bref, apres avoir discute avec son superieur, le chef de l'unite milicienne appelle le capitaine de l'armee pour lui noter clairement qu'il n'y a pas moyen d'evacuer les lieux : les ordres etant de maintenir les barrages et les positions tel que planifie. Le ton monte a nouveau et notre entetement est double face a leurs menaces, face a l'interminable va et vient des miliciens prenant le centre-ville comme quartier general. Le capitaine de l'armee mene a nouveau les discussions lorsqu'il est a 2 doigts, comme par sursaut de se faire respecter, de faire arreter un des miliciens qui crie et refuse le moindre mot de ce meme capitaine. Les choses sont calmees a nouveau par les soldats afin d'eviter que ca ne degenere. Plus de 40 longues minutes sont ainsi passees, entrecoupees par les voitures et les chauffeurs rouge de colere face a ce "hajiz" proprement dit.

Puis chacun des 2 camps se met de cote (cad a 4 metres de l'autre), et nouvelle scene de clowns : les manakishs tout chauds viennent d'etre livres par un milicien fraichement monte du centre-ville. L'unite du Hezb se repose alors sur le trottoir et prend calmement son petit-dejeuner, j'avoue etre en admiration devant Sayyid Hassan et son sens de l'organisation et de l'hospitalite, son armee peut effectivement se vanter de tous les merites et du sens des operations terrestres (franchement a voir la petite unite de l'armee libanaise face a eux, vous pouvez deviner mes commentaires). Et voila que s'annonce un des superieurs de la milice, une mobilette se dirige vers nous et un aimable barbu se presente devant une unite toute docile a sa vue. Il discute avec le chef de la milice sur place lequel lui rapporte tous les details de la situation. Inutile de vous dire les regards qu'on se lancait, rappelez-vous de Gangs of New-York vous aurez alors un apercu de la chose. Le superieur prend finalement l'ultime decision : faire remonter le barrage a 100 metres plus haut afin d'eviter le debordement avec les habitants du quartier. Je vous jure, c'est comme crier victoire, ce fut un vrai feeling de "liberation".

Ma mere, peu diplomate dans ce genre de situations, n'hesite pas a sommer les miliciens de remettre les bacs a fleurs a leur place (ils etaient 5 a les porter c'est trop lourd) ce qu'ils firent bon gre mal gre. L'armee s'etait retiree 10 min auparavant, probablement alertee par des secteurs plus "chauds" que le notre. Les voitures repassent enfin a Monnot, meme si elles restent bloquees un peu plus loin. Quant a nous, on est restes jusqu'a 10h du mat, faisant en quelque sorte le relais, afin de maintenir une presence qui decouragerait le retour des miliciens qui n'hesitaient pas a repasser en groupes chaque quelque temps afin de sonder les lieux et de communiquer a leurs chefs (surement bien equipes en portables, talkies-walkies, et tout ce que vous voulez) la situation sur les lieux.

Le reste de l'histoire, le reste de la journee, vous la connaissez tous. Un pays entier pris en hotage, des scenes de guerre civile parcourant le Liban comme une trainee de feu, des barrages et des milices imposant leur propre volonte partout devant une armee libanaise completement depassee et debordee. J'ai jamais vu ca au Liban depuis la guerre, et croyez-moi la seule chose qui fait que la guerre civile n'a pas encore eclate pour de bon cette fois est le fait que les puissances regionales et occidentales n'en veulent pas pour le moment. Qu'ils changent d'avis et en moins de 24h le pays s'embrase, ce qui manque ce sont les armes (sauf chez la milice du Hezbollah deja bien equipee) et quand guerre ils voudront armes a gogo nous aurons.

C'est degueulasse, c'est inqualifiable, c'est tellement facile la volonte de detruire un pays. Comme s'ils n'ont rien appris de toutes les annees de guerre, mais vraiment rien!! "

[...]
4h du mat, le soleil se leve dans 2h sur Beyrouth.
Demain sera (peut-etre) un autre jour."

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